Commissaires en résidence : Simona Dvorák et Tadeo Kohan
Avec les œuvres des artistes : Saddie Choua, Victoria Santa Cruz, JJJJJerome Ellis, Sirine Fattouh & Leïla Saadna, Charwei Tsai.
Pour ce second volet du cycle d’expositions « actes de langage » proposé par Simona Dvorák et Tadeo Kohan, la Maison Populaire invite Saddie Choua, JJJJJerome Ellis, Sirine Fattouh & Leïla Saadna, Victoria Santa Cruz et Charwei Tsai.
Conçue comme un espace critique de convivialité radicale, l’exposition choralités propose d’explorer la relation entre mémoires, musiques, paroles et histoires. Tissant une polyphonie de récits oraux et chantés, l’exposition aborde le potentiel de la voix comme outil collectif face aux violences verticales du pouvoir, de la répression policière, des migrations forcées, du racisme ou de l’homophobie. La parole y apparaît comme une force dissidente et multiple, un souffle invisible et inarrêtable de résistance, de solidarité, d’apaisement et de transmission.
Le terme « choralité » porte diverses connotations qui se rejoignent autour d’une réflexion sur ce qui constitue une communauté. D’abord liée au domaine théâtral, la choralité définit le tressage de voix composant un ensemble hétérogène. Différente du chœur de la tragédie grecque – où des récitant.e.s « parlent d’une seule voix », s’exprimant à l’unisson –, la choralité propose une pluralité de voix mélodiquement structurées ou dissonantes. De manière plus large, la choralité englobe toutes les approches qui mettent l’accent sur le collectif plutôt que sur l’individualité. « Elle correspond à une communauté qui n’est plus portée par l’enjeu de l’affrontement individuel » écrit Martin Mégevand, spécialiste de la dramaturgie francophone de la décolonisation (Chœur/Choralité, 2005). « Réfractaire au totalitarisme », la choralité implique la dialectique du dialogue et de la démocratie.
Au sein de la Maison pop, le principe de choralité réside dans l’espace-temps d’une exposition, d’un moment de sensibilité et de résilience partagées. Par la multiplicité de chants, de musiques et d’histoires intimes et militantes, l’exposition questionne la manière dont les relations sociales peuvent s’organiser au sein d’une société profondément inégalitaire. Comment les voix sont-elles témoins de postures rebelles et libres ? Le chant peut exister dans la simplicité du corps, de ses sonorités et de sa mémoire. Ses expressions et mélodies agissent dans tous les contextes : révolutions, libérations, commémorations, rituels, liesses, transmissions … Musique, poésie et chansons constituent des formes structurantes pour penser autrement et unir nos réalités. Comme l’écrit Audre Lorde, poétesse et militante africaine-américaine, « la poésie n’est pas que rêve et vision ; elle est la colonne vertébrale de nos existences » (Sister Outsider, 1984). Contrepoids à la « réalité » imposée par les discours autoritaires - patriarcaux, nationaux ou impérialistes -, les œuvres de l’exposition proposent d’entendre et d’écouter les voix invisibilisées et leur dimension profondément politique, comme « un refus de la notion d’histoire (et d’histoire de l’art) en tant que récit univoque » (Dora Garcia, If I Could Wish for Something, 2021).
« Devons-nous remettre en question la mémoire et son histoire en créant une autre narration, une autre perspective ? Ou pouvons-nous jouer avec les connexions et les associations pour réécrire l’histoire ? Comment restaurer la solidarité dans le cadre du processus de guérison ? »
(Saddie Choua, Zami, a Radio Program by Saffina Rana and Saddie Choua, 2021)
L’exposition choralités réunit six artistes issu.e.s de contextes géographiques, sociaux et politiques différents (Algérie, Belgique, Maroc, Liban, Pérou, Syrie, Taïwan ou États-Unis) qui travaillent avec et/ou appartiennent à différentes communautés et minorités. Au travers de leurs pratiques respectives, liées à la voix, au chant ou à la parole, iels témoignent de l’importance d’une mise en lumière de différentes formes de luttes pour l’égalité et l’émancipation et d’une convergence translocale.