Avec Ali Cherri, Sirine Fattouh, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Mireille Kassar, Marwan Moujaes, Thomas van Reghem, Paola Yacoub, Maha Yammine
Vernissage le 18 janvier de 15h à 20h
Si le désespoir est bien la mort de tous les possibles (Kierkegaard, Traité du désespoir), depuis la catastrophe du 4 août 2020, Beyrouth vit dans un état de profond désespoir. Lieu d’un impensable, toute rationalité échouant à trouver des raisons, cet état est pourtant ce qu’on ne peut renoncer à penser.
On vit dans une époque où l’idée d’un impensable est devenue familière. Elle servait à l’origine à décrire ce qui ne nous était pas accessible : Dieu ou la mort. Aujourd’hui, l’impensable est lié à notre histoire. Lorsque l’expérience manque pour nommer les choses, il en reste au moins une : celle du désarroi et de l’ultime impuissance, dans une histoire qui est désormais celle des hommes.
Comment penser alors et que dire d’une réalité comme celle de Beyrouth aujourd’hui quand les mots mêmes s’en échappent et s’épuisent. Quel récit construire ? Quelle histoire raconter ? Entre la fin de ce qui fut, et la fin des possibles, le présent, cet entre-deux, ne s’y laisse envisager que sur le même mode de l’impossible représentation.
Mais en même temps, entre ce qui continue d’exister et ce qui n’est pas encore, la ville est un condensé de gestes qui permettent le quotidien, de rituels que nous ne comprenons plus, et qui permettent pourtant de repenser le temps. Dans cet espace interstitiel dans lequel il faudrait imaginer qu’elle pourrait se réinventer, la ville offre des balbutiements de vie.
Aussi, là où la pensée échoue à trouver du sens, l’art est peut-être à même d’ouvrir un espace où les choses sont représentables. Comment donne-t-il à comprendre ce qu’on ne peut comprendre en dehors de lui ? Comment nous invite-t-il à rejoindre cet état suspendu entre le silence et la parole ? A repenser la réalité et les récits de nos vies ? A habiter ces interstices ? Cette exposition voudrait raconter la rencontre possible entre l’art et la possibilité de la vie.
Plus largement dans ce monde de l’après, Beyrouth apparait comme un condensé d’expériences, un concentré du monde, une grille de lecture. Un paradigme. Habiter les interstices est finalement une posture qui décrit les vécus possibles dans ce temps de l’après.
Nayla Tamraz, Françoise Docquiert, Commissaires
Galerie Michel Journiac 47 rue des Bergers Paris 75015